Theada était une jeune fille plutôt refermée sur elle-même. Il était rare qu’elle se fasse des amis, ou même qu’elle s’entende bien avec quelqu’un. La plupart du temps, elle éprouvait du mépris pour les autres. Parfois même de la colère. Ce qui n’était pas si rare, finalement. Pourtant elle n’était pas timide – pas du tout même, elle était plutôt exubérante - mais ne parvenait pas à considérer les autres comme égaux à elle. Elle détestait les hybrides plus que tout au monde, depuis que son chien hybride de compagnie s'était emporté et avait massacré son père. Elle s'en souvenait comme si c'était hier ; l'hybride était croisé avec un bouledogue. Theada était de nature dangereuse, et avait cette tendance à se jeter sur tout ce qui bougeait lorsqu'elle était dans un endroit inconnu pour elle ; et généralement, elle tranchait ensuite ses adversaires avec sa lourde épée qu'elle trimballait à peu près partout. Sa devise ? Prudence est mère de sûreté. En effet, elle emportait toujours avec elle - sauf lorsqu'elle n'était pas loin de chez elle - son sac à dos avec un matelas, des provisions, une bouteille d'eau et divers gadgets qu'elle appréciait. C'était quelqu'un de très prévoyant, mais d'extrêmement égoïste. Elle adorait se prélasser sur la plage environnante tout en écoutant de la musique.

L’étalage du marché s’étendait sur la place. Les humains passaient et repassaient, des articles entre les mains. La longue main de l’une d’entre eux passa sur un rayon de pommes. Ses doigts vernis de rouge se refermèrent sur le fruit, et elle l'approcha de son visage aux traits fins et à la peau porcelaine. Ses yeux marron foncé la regardèrent, puis elle la reposa pour choisir une autre pomme bien rouge. Son hybride Miza la regarda de ses yeux insistants, étant pressé de passer à l'étalage suivant. Elle l'observa d'un regard attendri, un sourire apparut sur ses lèvres fines. Puis elle reprit son air impassible et s'arrêta de sourire. Elle arriva près d'un stand où était marqué en grosses lettres "AU BONHEUR DES HYBRIDES". Miza se mit à japper, remuant sa queue de labrador. En courant, elle passa dans la queue, ses cheveux rouge flamboyant volaient au vent. Ce fut son tour, et son épée qu'elle portait à la taille - car c'était une guerrière - bougea légèrement lorsqu'elle désigna du doigt un jouet électrique pour chiens. Elle portait une jupe avec une armure. [...]

Et si... et si vous étiez perdu ? Perdu, mais pas dans une forêt, plutôt dans un gigantesque hôpital blanc, totalement blanc ? Plus précisément dans l’espace « MATERNITÉ » ? Vous apprécierez ? Et bien moi, non. Pourtant ça m’est arrivé. Ça oui, je vous le promets. Maintenant je déteste cet hôpital blanc, totalement blanc. J’y ai passé d’horribles moments.

Maman m’a tout raconté : comment je braillais bien plus fort que les autres gamins, comment je m’accrochais à elle et refusais que papa me prenne dans ses bras... tout sur tout. Et désormais, c’est à moi de vous restituer tout ceci.

Au tout début, je me contentais de pleurer. Pleurer, pleurer et encore pleurer. Je regardai à côté de moi. Le gouvernement était horrible. Affreux. Je vis, à côté de moi, une mère se faire retirer son enfant. Hybride. Et chaque hybride qui naissait était pris, et jeté sans aucun scrupule dans la forêt. Parfois on les plaçait dans des animaleries et ils étaient adoptés par les humains. Je préférais ça plutôt qu'ils soient jetés dans la forêt. Mais je devais chaque jour, du haut de mes 2 mois, endurer cette vision. Voila pourquoi je pleurais si fort. Voila pourquoi je refusais que papa me prenne dans ses bras, je voulais rester collée à maman pour le restant de mes jours.

Ma pauvre vie si misérable se déroula de la même façon. Chaque fois que je voyais un hybride se faire maltraiter par un soldat, les larmes perlaient à mes yeux épouvantés. Je ne pouvais plus supporter de voir ces hybrides frappés. Je les voyais se défendre. Et lorsqu’ils griffaient les personnes haut-placées, ils se faisaient condamner. J’assistais à leur exécution la tête dans mes mains, mes yeux cachés par mes doigts souples. Je pleurais presque tous les jours. Ni maman, ni papa ne pouvait faire quelque chose pour arrêter cela. Je n’avais que 6 ans et 6 mois, et j’étais déjà obligée de subir cette torture que de voir ces pauvres gens maltraités et massacrés.

Et alors, le jour de mes 7 ans, j’ai remarqué un énorme paquet. J’ai retiré le papier cadeau qui le recouvrait et j’ai découvert un hybride. C’était une jolie jeune fille avec des oreilles, des pattes et des crocs de bouledogue. Dans les autres paquets se trouvaient une laisse, un collier pour hybride-chien, une gamelle et un stock de nourriture pour hybride – il s’agissait de nourriture humaine de mauvaise qualité mêlée à des croquettes. Tout de suite, j’ai ouvert sa cage – car elle était bien en cage – et j’ai attaché à son coup le collier. Comme elle grognait, j’ai sorti la gamelle et y ai placé la nourriture. À sa place, je n’aurais pas trop apprécié cela, mais c’était mieux que de la voir balancée dans la forêt, sans protection.

Cette jeune hybride, je l’ai gardée 7 ans. Je l’avais appelée Lomasi. Et puis un jour, lorsque j’avais douze ans, elle s’est emportée. Papa n’avait pas été très gentil avec elle, plus tôt dans la journée. Et à un moment, elle a pété un câble, et s’est mise à grogner. Ni papa, ni maman, ni moi ne nous doutions qu’à l’instant d’après, elle allait se jeter sur mon père ! Elle s’est mise à le griffer, et à le mordre, lui déchiquetant la peau. Elle a fait cela jusqu’à littéralement le tuer. Puis, elle a grimpé sur son corps avec ses pattes puissantes et s’est mise à regarder le ciel d’un air triomphal. Lorsque la lune est apparue, elle a hurlé d’un puissant cri. Cinq semblables lui ont répondu depuis la forêt. Alors, j’ai eu une idée, pour qu’elle ne fasse plus de mal à personne et pour me débarrasser de cette diablesse : j’ai attaché sa laisse et l’ai amenée jusque devant la forêt. Puis j’ai détaché sa laisse et, la poussant un peu, je l’ai envoyé dans la forêt. Elle a couru comme une dératée et, en deux petites minutes, j’en étais débarrassée. Lomasi était partie, et sa méchanceté avec elle.

Deux petites années plus tard, et je me rendais compte que je ne pouvais pas vivre sans un hybride de compagnie : je déprimais et me rendais compte que Lomasi était ma seule amie. Cependant, une haine des hybrides s’était développée chez moi et je ne pleurais plus en les voyants maltraités. Non, cela permettait même d’arracher un sourire sur mes lèvres non émotives. Je les détestais, mais j’avais quand même besoin de compagnie. J’ai donc acheté, dans l’animalerie du coin, un hybride labrador que j’ai appelé Miza. Je la surnommais Mizouille, et l’adorais comme mon meilleur ami. Pourtant, jamais ma haine ne s’est dissipée. Je continuais de les haïr, et mon rêve était de détruire leur forêt – et eux avec – pour agrandir la Ville Neuve.

6 ans. 6 ans que Miza est mon hybride de compagnie. J'ai maintenant 22 ans et jamais il ne m’a fait la même crise que Lomasi. Il n’y avait rien à faire, Miza et Lomasi n’avait rien à voir. Mais Lomasi avait quand même massacré mon père, et cela, je ne lui pardonnerais jamais. Jamais. Je la déteste au plus profond de mon cœur, malgré tous ces bons moments qu’on a passés ensemble. Non, il n’y a aucun doute : je déteste Lomasi, tant que je ne peux pas exprimer clairement ma haine à son sujet.